Ce matin, je me suis éveillée au son des bourrasques de vent qui frappaient à ma fenêtre, croyant entendre le son des vagues. Je m’imaginais encore étendue sur une plage d’une contrée lointaine, me prélassant sous les doux rayons de soleil sur ma peau hâlée. À tâtons dans la pénombre, je tente d’éteindre l’alarme de mon cellulaire crachant le refrain de Pumped Up Kicks. Les yeux mi-clos, je replonge dans mes songes, espérant revenir aux abords du rivage que j’ai quitté il y a quelques jours à peine, pour retrouver Montréal enveloppé dans un manteau givré.
Parmi les nombreux souvenirs mémorables que je retiens de mon périple, la nuit où j’ai contemplé la plage aux petites heures du matin est l’un des plus significatifs. Bande de jeunes premiers et de jeunes filles en fleurs (à lire adulescents à mi-chemin entre l’ado et l’adulte accompli), nous nous étions réunis dans une boîte de nuit pour y onduler nos corps aux rythmes des sons latins, comme s’il n’y avait pas de lendemain, jamais. Nous avions ainsi dansé toute la nuit durant, entre deux gorgées d’eau-de-vie, nos visages presque impossibles à discerner dans l’éclairage diffus, une fine perle de sueur glissant sur l’empreinte de l’ange de l’un, sur l’épaule dénudée de l’une, sur la nuque d’un autre. La nuit tirait à sa fin, mais nous continuions à danser, comme si l’on pouvait repousser les premières lueurs du jour. Voulant poursuivre la fête, nous avions déambulé dans la nuit noire pour nous aventurer jusqu’à la plage. Cris, éclats de rire, semi-courses avortées, cache-cache entre les palmiers et échange de dialectes exotiques teintés de la langue de Shakespeare nous accompagnèrent jusqu’à la rive.
Le paysage qui s’offrait à nos yeux était stupéfiant. Telle une fresque imposante, le ciel ébène comme l’encre était parsemé d’étoiles scintillantes. Elles étaient si nombreuses et titanesques, qu’il me semblait que je n’avais qu’à tendre la main vers le firmament pour en saisir une. Du haut de sa colline, le phare paraissait veiller sur nous de son éclat phosphorescent. Autant la plage pouvait être magnifique le jour qu’elle pouvait être terrifiante la nuit. On n’y voyait rien à l’horizon, sinon une masse dense et foncée. Les vagues déjà violentes à la clarté redoublaient d’ardeur la nuit venue. Elles enfilaient farouchement la berge en cadence, nous donnant des frissons de plaisir et de crainte à la fois. La nuit était fraîche, alors nous nous étions tous agglutinés avec l’abandon d’un enfant, pour nous échauffer ne serait-ce qu’un peu, nos peaux s’effleurant délicatement et nos chevelures s’entremêlant.
En silence, nous scrutions les astres, bercés par le timbre des vagues, parfois entrecoupés par des hurlements poussés par l’un d’entre nous, des soupirs d’allégresse d’une autre ainsi que nos gloussements qui s’estompaient dans l’obscurité.
Dans Les Nuits de La Havane, il lui a appris à danser. Sur l’île Margarita, il m’a soufflé à l’oreille : « Viens, je t’apprendrai à faire du surf demain ».
L.
Très beau, j’adore.